Table Ronde : La deuxième vie de la nouvelle économie

décembre 2003

Table ronde en compagnie de Elie Cohen, André Lévy-Lang et Gilles Mougenot pour Banque & Finance.

Les nouvelles technologies de l’information et la net économie ont fait rêver les grandes places de marché à la fin des années 90 et laisser imaginer à certains qu’un nouvel ordre économique était en train de naître. Après l’éclatement de la bulle financière, des défaillances d’entreprises par milliers, mais aussi la grande banalisation de l’internet, quelle empreinte profonde reste-t-il de cette révolution technologique ?
Banque & finance a rassemblé l’économiste et chercheur Elie Cohen, le grand patron de banque André Lévy-Lang et Gilles Mougenot, Président de l’AFIC, Association Française des Investisseurs en Capital pour en débattre.

Banque & Finance . Y a-t-il une nouvelle économie clairement délimitée, ou un enrichissement des processus traditionnels par des technologies innovantes ?

Elie Cohen . Il y a eu très longtemps chez les économistes une grande interrogation sur la Nouvelle Economie : les révolutions successives de l’informatique puis des télécommunications n’avaient en effet pas produit le résultat escompté en matière de gains de productivité du travail. On voyait partout leurs effets sauf dans les statistiques économiques comme le disait Solow. Or, à partir du milieu des années 90, force était de constater que les gains de productivité, qui avaient régulièrement décliné aux Etats-Unis depuis le milieu des années 60 du fait de la progression des activités de service au détriment des activités industrielles, se mettaient à grimper très rapidement.
On s’est longuement demandé si ces gains étaient bien attribuables à l’introduction des nouvelles technologies de l’info, et pourquoi n’avaient-elles pas eu d’effet plus tôt ? Finalement y avait-il une nouvelle économie, c’est à dire l’apparition d’une technologie générique diffusant dans tous les secteurs d’activité ?
L’explication est qu’il avait fallu cette troisième révolution numérique, du réseau multimedia et de la convergence, pour permettre d’exprimer toutes les potentialités des deux précédentes.
Début Mars 2000, avec l’éclatement de la bulle, les économistes se sont mis à scruter avec attention les vaariations de la productivité du trvail. Or, au lieu du retournement, à la surprise générale, les gains de productivité se sont mis à accélérer encore et aujourd’hui nous sommes en face d’un phénomène d’emballement. A partir de ce constat, on a pu affirmer plus clairement :
1. Avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication, il y a bien apparition d’une technologie générique qui diffuse dans tous les secteurs et qui contribue à modifier l’organisation économique.
2. Il y a bien un effet de ces nouvelles technologies sur la productivité du travail que l’on peut chiffrer : + 1% aux Etats-Unis et + 0,35% en France.
3. On remarque des secteurs où l’impact de ces nouvelles technologies est particulièrement important. Evidemment, on avait déjà identifié celui des producteurs eux-mêmes de ces nouvelles technologies, mais s’y ajoutent des secteurs utilisateurs, notamment dans les services, la distribution, la logistique, les services financiers...
4. Apparition d’un nouveau media avec internet. Aujourd’hui Internet comme média rivalise avec la TV, la presse. Comme suppot publicitaire ; même si sa part est faible, elle n’est pas nulle.
5. Apparition d’un nouveau canal de distribution. Certains avaient fait des prophéties sur le développement du commerce électronique, la possibilité de réaliser un idéal de marché, un monde d’échange sans friction, de parfaite information, de bénéfice également partagé. Dans la réalité, le commerce électronique c’est d’abord du commerce et dans l’acte commercial la partie informationnelle, la plus concernée par le développement d’internet, ne représente qu’1/5è du processus complet. On a aussi très rapidement compris que ces technologies allaient permettre un ciblage beaucoup plus précis et une infinie différenciation de traitement du client et que le modèle n’avait rien à voir avec celui d’économie pure de marché.

Lévy-Lang. Je réagirai en praticien depuis les années 80 de ces nouvelles technologies, successivement à la Compagnie Bancaire, à Paribas et à l’Atelier BNP Paribas : quand il y a révolution technologique, ce qui est indiscutablement le cas, les choses vont beaucoup plus lentement que prévu, mais l’histoire montre aussi qu’elles vont beaucoup plus loin. Qu’il y ait déjà des gains de productivité et qu’ils soient loin d’être épuisés c’est certain mais l’essentiel du bénéfice des nouvelles technologies, par sa diffusion dans l’économie classique, est encore à venir. Ce sont par exemple les banques traditionnelles qui ont le mieux tiré parti des nouvelles technologies, et c’est vérifiable dans tous les secteurs sous la condition que les entreprises aient modifié leur modèle économique, comme c’est le cas de Dell avec l’approvisionnement et la gestion de ses stocks.
On ne peut pas ignorer dans un tel bilan, les succès de quelques modèles originaux comme e-bay ou Amazon, ni le secteur des producteurs d’outils et de services pour ces nouvelles technologies, comme Cisco ou Yahoo qui, sans être l’essentiel de l’apport, jouent un rôle non négligeable dans les chiffres de croissance aux Etat-Unis. J’ajouterai que le haut débit transforme et accélère la diffusion des nouvelles technologies et ne peut que changer la donne, tant auprès des consommateurs que des professionnels. On est probablement au premier tiers d’un mouvement d’évolution qui va durer 50 ans.

Gilles Mougenot. La net économie et les nouvelles technologies ont bouleversé l’économie et bien sûr notre métier. elles ont pénétré de façon diffuse la société, la vie des entreprises et notre vie quotidienne. On peut, entre autres, prendre l’exemple de la distribution musicale où le haut débit a tout changé. Il y a quelques années, on se posait le problème de la dématérialisation des produits, aujourd’hui, la chaîne industrielle de la culture n’a, ou n’aura bientôt, plus rien à voir avec ce qu’elle était : ni pour ceux qui fabriquent, ni pour ceux qui distribuent, et même pour les créateurs. C’est un exemple, mais il y en a partout. On peut dire que l’on a parfois surestimé à court terme et qu’aujourd’hui l’on sous estime à long terme les implications des nouvelles technologies et de l’internet. La nouvelle économie est à l’économie ce que la nouvelle cuisine est à la cuisine.
Des sommes extraordinaires qui ont été levées et investies dans ce secteur, il reste le secteur des NTIC qui sont un segment en soi avec 50% des investissements du capital risque en France, quand ailleurs en Europe le venture s’est surtout intéressé à la bio-technologie et il commence à devenir rentable.
Sinon, il y a effectivement eu des illusions dans notre métier, par exemple que d’autres valeurs pouvaient exister que la rentabilité et la solvabilité du client, notamment la notion de trafic jusqu’à ce que celle-ci trouve un sens en croisant les notions incontournables du commerce. Et aussi beaucoup de désillusions, on ne trouve pas beaucoup de millionnaires issus de cette vague.

Elie Cohen. Nous, les économistes, avons focalisé notre attention sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication et leur impact spécifique sur la croissance, mais rien n’aurait été possible si parallèlement deux évolutions majeures n’étaient intervenues : d’abord le phénomène de mondialisation et de globalisation financière, ensuite la déréglementation et la libéralisation du secteur des utilities. Sans cette dérégulation dans les télécoms, jamais on n’aurait eu les investissements phénoménaux que l’on a connu.
C’est tout à fait classique en économie : quand vous passez d’un secteur monopoliste avec des entreprises verticalement intégrés à une libéralisation concurrentielle sur chacun des maillons de la chaîne de valeur, vous générez une véritable explosion des investissements, chaque nouvel eentrant voulant être le rival ou le remplaçant de l’opérateur dominant.
Ajoutons, comme le disait André Lévy-Lang, que libéralisation, nouvelles technologies et investissement n’ont de sens que s’il y a transformation des modèles organisationnels et opérationnels. Une étude récente démontre même que si l’on introduit de nouvelles technologies en maintenant les organisations existantes on n’obtient pas l’effet attendu en matière de productivité et de compétitivité. Par contre si l’on repense les modes de coordination et de coopération alors on a un effet surmultiplié. De ce point de vue, Dell est un modèle saisissant : c’est un producteur d’ordinateurs qui assemble des composants conçus et fabriqués par d’autres dont le vrai génie est d’avoir optimisé sa chaîne d’approvisionnement et sa chaîne de distribution.

Lévy-Lang. De même que personne n’avait prévu le succès de Dell, personne ne peut prévoir quels seront les acteurs qui vont tirer parti de la nouvelle économie. L’analogie historique a ses limites mais demeure intéressante : on a vu le même phénomène de multiplication d’initiatives puis de concentration dans le chemin de fer et l’automobile au début du siècle. En 1900, il y avait plus de 100 constructeurs, simplement à Paris. Sans compter que, si l’industrie automobile est importante, les retombées de cette industrie sur l’urbanisme, les modes de vie, la consommation le sont infiniment plus.
Dans le domaine financier, même phénomène, il est clair que l’information représente un élément important de la valeur, mais pas toute la valeur. Il y a d’autres dimensions intangibles comme l’image de marque ou le relationnel et les succès vont à ceux qui réussissent à combiner le mieux leurs atouts naturels et les nouvelles technologies, en réinventant un modèle économique.

Elie Cohen. Dans la période folle de la révolution de l’internet, tout le monde avait mis en avant le modèle de nouvelles banques comme egg ou Ze Bank, mais aussi mis en évidence le développement de l’intermédiation électronique, décrit la banque comme l’univers par excellence de la dématérialisation, de l’intangible et de l’industrie du traitement de l’info. Tout annonçait que ce secteur allait voir les innovations les plus spectaculaires de la nouvelle économie. Or, comme le dit Lévy-Lang, le modèle qui réussit le mieux c’est encore celui de la banque traditionnelle de détail et de proximité qui intègre dans sa gestion de clientèle les ressources des technologies de l’information. Les purs opérateurs internet ont tous beaucoup souffert ou disparu, on n’a pas eu dans la finance l’équivalent d’un e-Bay d’un google ou d’un Amazon.

Levy-Lang. Dans le domaine bancaire, il y a à la fois des cas où l’intégration est déjà largement réalisé et depuis longtemps, et des cas qui commencent à peine à le faire.
Prenons l’exemple de Banque Directe que j’ai créé. Je crois que l’on a démontré par l’expérience que la banque directe pure ne fonctionnait pas très bien en France, que c’était un modèle marginal dont la part de marché restera faible. En revanche, les modèles de gestion patrimoniale du type Cortal Consors peuvent réussir.
En revanche, il y a un jeu qui n’est pas encore joué, ce sont les places de marché. Autant on a vu les limites mais aussi l’impact considérable de la bourse électronique pour les particuliers, autant on n’a pas encore épuisé les conséquences des nouvelles technologies en matière de banques de gros et de transaction entre institutionnels. Faut-il conserver une place physique au NYSE ? Les coûts de transaction sont-ils vraiment plus bas dans les systèmes électroniques, et vont-ils prendre une place dominante ou pas ? Tout reste à voir.
Quand on disait au départ la banque traite de l’info donc les nouvelles technologies c’est essentiel pour la banque c’était juste. Ce qui est toujours juste c’est que l’on ne sait pas encore toujours comment. Et que ce comment peut être parfois surprenant...
Elie Cohen. Cette analyse on pouvait la faire il y a 3 ans. Alors pourquoi a-t-on fait Zee Bank ?

Lévy-Lang. N’hésitez pas à être désagréable. Comment a-t-on pu faire Banque Directe... (Rires.) Quand on n’a pas de réseau, on essaye toutes les autres solutions. Pour Egg, je crois que le succès s’explique par les conditions spéciales du marché britannique, très différentes du marché français. Les Anglais ont des comportements différents, ils paient plus cher leurs services bancaires et il y a une ombrelle de prix. C’est l’explication du succès en Grande Bretagne et de son échec en France. Peut-être provisoire... Qui sait ?

B&F . Reste-t-il de l’argent à investir dans la net économie ?

Lévy-Lang. Il y a beaucoup d’argent disponible dans le capital risque et le capital développement, levé en SCPI ou dans les fonds de private equity, mais curieusement peu d’entreprises de la nouvelle économie trouvent de nouveaux investisseurs dans leurs tours successifs.

Gilles Mougenot. Oui, il reste beaucoup à investir. Mais les actionnaires, en 2ème ou 3ème tour, sont au milieu du gué. Ils n’ont pas intérêt à lâcher car, s’ils ont déjà investi, ils connaissent la valeur alors que tout nouvel arrivant, dans la situation présente, va forcément la minimiser, au détriment des premiers arrivants.

Lévy-Lang. On peut ajouter que les investisseurs privilégient naturellement leurs propres filiales et les autres ne sont pas attirés dans la mesure où la sortie n’est pas assurée dans un délai visible.

Gilles Mougenot. C’est vrai que les investissements se font à beaucoup plus long terme, pas comme dans la grande époque ou la mise en bourse se programmait à un an.
Le premier réflexe d’un investisseur aujourd’hui est d’étudier quelle modification internet peut apporter au secteur, puis cas par cas et entreprise par entreprise, quels changement pourraient générer les nouvelles technologies. [1]

B&F . Les marchés des valeurs technologiques sont en progression un peu partout dans le monde. Va-t-on vers une nouvelle bulle financière ?

Elie Cohen. Il y a un triple phénomène dans cette reprise : premièrement, il y a eu un redoublement de la crise des valeurs d’internet avec la crise de confiance majeure provoquée par Enron et Worldcom. Toutes les valeurs technologiques anciennes ou récentes ont été littéralement massacrées quand les observateurs ont vu que les entreprises pouvaient non seulement trafiquer leurs comptes, mais se fabriquer du chiffre d’affaires et s’inventer des résultats. A partir du moment où la crise de confiance se dissipe, on revient vers les vakleurs les plus massacrées. Deuxièmement, il y a eu le constat que quelques rares valeurs, des champions comme e-bay, Amazon ou Yahoo, avaient prouvé que leur modèle d’affaires pouvait réussir, que non seulement elle avaient survécu au grand retournement mais qu’elles étaient capables, d’annoncer l’arrivée de résultats positifs, voire de confirmer, trimestre après trimestre, l’amélioration de leur résultat. Et du coup, il y a eu bulle sur ces valeurs avec des PER à 70 ou 80. (Je me demande si l’on a bien assimilé l’expérience récente de la bulle des NTIC.) Troisièmement, la crise économique que l’on a connu depuis l’an 2000, qui s’est traduite par un ralentissement brutal de l’investissement notamment dans les valeurs de la nouvelle économie semble arriver à son terme. On assiste au début d’un retournement et la bourse anticipe par des rebonds spectaculaires le retour de l’investissement des entreprises dans les équipements informatique et télécoms.

Lévy-Lang. J’ajouterai un autre facteur, purement monétaire. Il y a beaucoup d’argent qui cherche à s’investir. La baisse des taux longs a pu justifier des multiples très élevés par rapport à des taux très bas. Les quelques valeurs survivantes jouent alors un effet entonnoir : beaucoup d’argent, relativement peu de valeurs et la crainte de louper le coche. D’où, sinon un phénomène de bulle, en tout cas d’exubérance.

B&F . Est-il durable ? Peut-il profiter aux entreprises de la « deuxième liste » ?

Lévy-Lang. Il faut surveiller le nombre d’introductions en bourse sur le Nasdaq, à Londres où s’est fait en octobre la première introduction depuis avril 2000, et en Europe en général. Il faut que cela dure assez longtemps pour avoir un effet d’entraînement sur les capitaux risqueurs et donc sur l’ensemble du secteur, et les autres survivants pourront retrouver de l’argent. Mais ce n’est pas encore le cas. En Europe en tout cas.

B&F . Quels sont les secteurs et les modèles gagnants ?

Elie Cohen. Avec le modèle Walmart, on est absolument saisi par le fait que l’introduction massive, intelligente, des nouvelles technologies de l’information peut améliorer la gestion et la rentabilité d’une entreprise. Walmart est capable de faire tourner ses stocks infiniment plus vite que les grandes entreprises équivalentes, d’optimiser ses réseaux d’approvisionnement à niveau planétaire. C’est une puissance économique, notamment dans les importations de Chine qui pèsent près de 10 milliards de dollars et représente 10% du déficit américain à l’égard de la Chine. Sa force est la capacité à organiser le réseau productif, à faire tourner rapidement les stocks et à connaître finement son client final pour intervenir dans la définition même des produits qu’ils mettent en vente.
Au début du développement des technologies de l’info, on pensait voir se développer en amont des grandes places de B. to B. ou de commerce électronique pour fournir les grands réseaux de distribution. Avec Walmart, on voit un autre modèle à l’œuvre avec l’intégration de la chaîne des fournisseurs. C’est également le modèle de Dell.
Enfin, il faut remarquer que des entreprises comme e-bay ou Amazon sont de brillants survivants mais aussi des premiers arrivants. Ils ont tout de suite occupé l’espace, eu des centaines de clones mais aucun n’a réussi à renverser la situation. Quant aux télécoms, on a vu un seul nouvel acteur, Vodafone.

Lévy-Lang. Aux Etats-Unis, les choses ne sont pas jouées, ni dans certains secteurs comme le tourisme où les cartes vont encore évoluer. Encore une fois, se reporter à l’automobile et à la redistribution qu’elle a connu dans les 40 dernières années.

Elie Cohen. Quand je vois la trajectoire d’un Microsoft et d’un IBM, je me demande si dans ces domaines de forte innovation, dans lesquels la constitution d’une position dominante permet de dégager rapidement des rentes de situation très importantes, l’on n’est pas dans un modèle où il y a paradoxalement plus d’irréversibilité que dans l’ancienne économie.

Lévy-Lang. Quelle est la force du modèle ? Et celle de la marque, de la technologie, de la gestion ? Cela demande à être étudié cas par cas. Les multiples que la bourse applique à ceux qui réussissent supposent que non seulement ils continuent à se développer mais à se développer plus vite que le reste du marché, et pendant un temps presque infini... Ce n’est pas sans risque. Soit l’on pense que la révolution technologique est finie, soit l’on pense le contraire et la donne va encore changer. Les évolutions pouvant aussi venir des comportements de clientèle et du marketing.

Elie Cohen. Un autre modèle qui réussit, on l’a dit, c’est la banque universelle de proximité qui à la fois offre la proximité physique et la proximité virtuelle par le système d’information et la connaissance des pratiques de consommation de ses clients. Elle peut développer leur degré de bancarisation en faisant de chacun de ses clients des clients multi produits.

Lévy-Lang. Il y a enfin quelques modèles qui peuvent tirer partie du fait que la part de savoir-faire exportable augmente : si la composante technologique, communication et internet se développe, elle sera plus facilement transférable.
Une autre question est de savoir qui va bénéficier du partage entre l’actionnaire, les salariés et les consommateurs. Ce sera sans doute variable selon les pays et les secteurs, mais j’ai le sentiment personnel que ce sera, dans la majorité des cas, le consommateur. Dans le cas de Walmart, on a affaire à un monopole de fait dans l’Amérique rural. Quand ils s’installent quelque part, ils tuent le commerce local et même les chaînes concurrentes. Le contre pouvoir, c’est alors l’opinion publique. Suivant la concurrence ou le contre pouvoir qui peut aussi prendre la forme de la réglementation, par exemple dans les télécoms, le bénéfice des consommateurs sera plus ou moins important, et il restera plus ou moins de gain pour les actionnaires et les salariés.

B&F . En conclusion, un probable bénéfice consommateurs, mais peut-on parler d’une richesse nouvelle ?

Elie Cohen. Les années 90 ont été une période de croissance exceptionnelle des Etats-Unis. Et de déécollage de l’Inde et de la Chine sur la scène internationale. Aux USA, il y a eu un double doublement des investissements. Doublement des investissements en général et doublement des investissements dans les nouvelles technologies, soit un quadruplement dans ce secteur. On a peut-être mal investi, ou sur investi, mais l’on ne peut pas dire que l’on n’a pas suffisamment investi.
En même temps, la contribution à la croissance a été exceptionnelle. Si l’on résonne en dollar courant l’essentiel de la croissance mondiale a été faite aux Etats-Unis. Si l’on raisonne en parité de pouvoir d’achat, l’essentiel de la croissance a été le fait de la Chine et des Etats-Unis. L’Europe a été à la traîne. Pourquoi ce moindre développement ? On peut faire le constat que justement, dans ces nouvelles technologies de l’information l’Europe n’a pas fait tout l’effort nécessaire ou parfois trop tard. Alors y a-t-il un lien évident ? Ce que l’on peut dire c’est qu’à partir de 1995, le « ciseau » de la croissance et de la compétitivité entre Europe et les Etats-Unis s’est de nouveau ouvert, après 50 ans pendant lesquels l’Europe avait régulièrement rattrapé son retard et réduit le différentiel...

Lévy-Lang. Ca permet de dire que l’Europe a un gros potentiel... On peut aussi être très négatif en disant que les mêmes causes de blocage structurel font que l’on est à la fois en retard sur les nouvelles technologies et sur de développement de la croissance.


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