"Une vraie division industrielle du travail"

lundi 8 février 2010

Article paru sur lemonde.fr

Ce spécialiste de l’économie industrielle ne voit pas de contradiction entre la délocalisation de services informatiques en Inde et le maintien d’une puissante industrie informatique dans les pays occidentaux.

Elie Cohen, spécialiste de l’économie industrielle, ne voit pas de contradiction entre la délocalisation de services informatiques en Inde et le maintien d’une puissante industrie informatique dans les pays occidentaux.

Pourquoi les sociétés de services et d’ingénierie en informatique (SSII) occidentales délocalisent-elles massivement leurs emplois dans des pays à bas coûts, en particulier l’Inde ?

L’offshore (la délocalisation d’activités de services) permet un partage efficace des tâches entre les activités routinières - comme la saisie et le traitement de données, la maintenance de systèmes ou les travaux de réseaux -, qui se voient sous-traitées, et les activités de conception, définition, organisation, qui restent dans les pays d’origine. Il s’agit d’une véritable division industrielle du travail selon les compétences des différents pays. Ce modèle a fait ses preuves, car il répond à une pénurie de cadres compétents dans les pays développés, en permettant d’abaisser le prix de la main-d’oeuvre.

N’y a-t-il pas un risque de perte d’emplois et de technologies pour les pays occidentaux ?

Au cours de la dernière décennie, les SSII américaines ont beaucoup eu recours à l’externalisation de leurs services informatiques, en particulier vers l’Inde. Au lieu de conduire à une perte d’emplois, cette stratégie a provoqué une croissance globale et une montée en valeur ajoutée du secteur aux Etats-Unis. Il n’y a donc pas d’incompatibilité entre les délocalisations et le maintien d’un puissant secteur informatique dans les pays développés.

Toutefois, les Indiens commencent à remonter dans la chaîne de valeur. Ils proposent des produits plus pointus que ceux de l’Occident et ne veulent plus rester de simples sous-traitants. Cela ne provoque pas de déclin dans les pays développés tant que le marché continue à croître. Mais, si la tendance se maintient, il faudra trouver un partage de compétences satisfaisant pour les deux parties.

Les SSII occidentales et indiennes ne sont-elles pas d’ores et déjà concurrentes ?

Le marché indien est large et dynamique. Les grandes compagnies françaises, américaines ou indiennes n’ont aucun mal à recruter, avec 250 000 ingénieurs formés chaque année et un important turnover. Les entreprises indiennes développent certes des stratégies de plus en plus agressives envers l’Occident, mais, à l’inverse, les entreprises occidentales sont parties à la conquête de l’Asie. Le marché est équilibré !

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