Le navire France Telecom tangue dans la tempête
décembre 2001
Quatre ans après sa privatisation partielle, le
navire France Télécom tangue aujourd’hui en pleine
tempête, confronté au massacre de son titre en
bourse et à une grogne syndicale interne qui
monte. Pour la première fois depuis son entrée à la Bourse
de Paris, l’action France Télécom a dégringolé cette
semaine sous son premier cours de cotation du 20
octobre 1997 (215 francs ou 32,78 euros).Cotée à 28,80 EUR vendredi, elle s’approche
dangereusement du prix plancher de 182 FF (27,74
EUR) auquel elle avait été vendue à l’époque aux
particuliers. Depuis le début de l’année, le titre a perdu 67% de
sa valeur. La capitalisation de l’ensemble France
Télécom pèse moins lourd sur le marché que celle
de sa filiale mobile Orange. De quoi inquiéter les
petits porteurs et les salariés du groupe, qui
détiennent respectivement 28,9% et 3% de son
capital.
Enfant chéri du marché parisien au temps de l’euphorie pour les valeurs technologiques (le 2 mars
2000, son action cotait 219 EUR), l’opérateur historique français paie aujourd’hui l’éclatement de la
bulle des télécoms et de l’internet et le prix d’une expansion agressive à l’international. En déboursant l’an passé une quarantaine de milliards d’euros pour acheter Orange au britannique
Vodafone, France Télécom s’est hissé au deuxième rang de la téléphonie mobile en Europe avec
35,5 millions de clients.Mais l’opération et l’argent investi dans l’acquisition de licences UMTS de 3ème génération ont
plombé ses finances. Fin juin, la dette a atteint le niveau record de 64,9 mds EUR, presque deux
fois le chiffre d’affaires 2000 (33,6 mds EUR).
Fini le temps où Michel Bon était surnommé "l’homme qui valait 1.000 milliards", en référence au
poids en francs de son groupe en bourse : le président de France Télécom rame maintenant à
contre-courant de marchés versatiles. France Télécom affiche encore des bénéfices juteux (1,951 md EUR au premier semestre) et
prévoit une croissance de 25% du chiffre d’affaires 2001. Mais le discours de M. Bon sur ces "fondamentaux solides" ne passe plus auprès des investisseurs qui, après avoir longtemps vanté sa stratégie, doutent ouvertement de sa capacité à réduire d’au
moins un tiers la dette du groupe d’ici fin 2003 comme il le promet. "Je suis pleinement confiant, bien entendu, sur France Télécom", est intervenu en soutien vendredi
le gouverneur de la Banque de France Jean-Claude Trichet sur LCI.Mais le malaise gagne aussi le coeur de France Télécom : ses personnels. "Le malheur, c’est
simple comme un coup de bourse", a ironisé cette semaine SUD-PTT, deuxième syndicat du
groupe, pastichant une vieille publicité maison qui voulait que "le bonheur" soit "simple comme un
coup de fil". La chute de l’action France Télécom risque fort, si elle perdure, de réduire à néant la paix sociale
relative de l’entreprise. Elle touche en effet directement au portefeuille des salariés qui avaient
massivement souscrit à 92% aux deux tranches de privatisation d’octobre 1997 et de novembre
1998.
Ce plongeon boursier présage-t-il d’une rentrée chaude ? La fédération CGT des PTT a en tous cas
appelé vendredi à la "mobilisation" et réclamé à Michel Bon des garanties sur l’emploi et une
revalorisation des salaires, tandis que FO jugeait la situation de l’entreprise "préoccupante". Fin août déjà, la CFTC avait accusé France Télécom de vouloir supprimer 11.000 emplois dans ses
agences commerciales, ce que dément la direction. Arrachée il y a quatre ans au Premier ministre Lionel Jospin par Dominique Strauss-Kahn, alors
ministre de l’Economie, l’ouverture du capital de France Télécom servait encore il y a peu de
vitrines aux promoteurs de l’actionnariat salarié. Elle menace aujourd’hui d’en devenir le
contre-exemple.
Voir en ligne : L’Expansion