Le « Grexit » est l’issue d’une crise dont Athènes est responsable

lundi 6 juillet 2015

Article paru sur lemonde.fr

La sortie de l’eurozone de la Grèce est en passe de s’imposer. Il reste à l’organiser pour en amortir les conséquences politiques, explique Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS.

La conversation publique porte à présent sur la sortie de la Grèce de la zone euro, ses modalités techniques, ses effets politiques. Par un enchaînement fatal de gestes politiques mal calculés comme le référendum, d’eurofatigue des opinions publiques, d’enchaînements techniques comme les défauts partiels sur la dette ou le gel des financements exceptionnels des banques grecques par la BCE, cette perspective, hautement improbable il y a peu encore, est en passe de s’imposer.

Au départ, il y a le triple constat largement partagé d’une Grèce « victime de ses bienfaiteurs européens ». La Grèce, faut-il le rappeler, a bénéficié à partir de 1981 de transferts équivalents à 4 points de PIB de la part des institutions européennes, elle a bénéficié ensuite de taux d’intérêt exceptionnellement bas avec l’entrée dans l’eurozone.

Loin de bâtir une économie productive, elle a gaspillé avec constance les aides reçues, elle a mis en place un Etat clientéliste au service d’une économie de consommation dopée par l’argent public. Elle s’est ainsi transformée en économie de rente, dépendant pour son financement de la fluidité des flux financiers entre le nord et le sud de l’Europe. Après avoir atteint un double déficit de balance courante et de finances publiques de 15 % du PIB, la Grèce, privée d’un accès aux marchés, fait appel à ses partenaires européens qui mettent en place un premier plan d’ajustement structurel.

Des aides paradoxales

Une terrible cure d’austérité sans bénéfice durable pour la croissance et pour la restauration des finances publiques est alors mise en œuvre, alors que la troïka plaidait pour un autre équilibre entre coupes budgétaires et réformes structurelles permettant de dynamiser l’offre productive.

Le premier plan se révélant insuffisant et inutilement punitif, un deuxième plan d’aide est décidé, accompagné d’une lourde restructuration de la dette privée. Mais la Grèce continue à s’enfoncer dans l’insolvabilité et fait face à des créanciers devenus publics comme le FMI, la BCE, ou le Mécanisme européen de stabilité (MES). Toute narration qui prétendrait résumer l’affaire grecque aux effets criminels de politiques d’austérité inadaptées ou au fardeau de dettes odieuses, méconnaîtrait l’histoire moderne de la Grèce et le caractère paradoxal des aides européennes, bienvenues mais mal utilisées, dispensées collectivement mais non supervisées.

Sur ces bases, le plan rêvé pour garder la Grèce au sein de l’eurozone – et conforter ainsi son rôle géopolitique de gardien du flanc sud-est de l’Europe – consisterait à lui offrir un paquet comportant des aides nouvelles, en échange de mesures de consolidation budgétaire et de réformes structurelles, un plan d’investissement massif pour stimuler la croissance, et une réduction de la dette pour que l’avenir de sa jeunesse ne soit plus plombé.

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