L’après 11 Septembre
octobre 2001
Depuis le 11 Septembre, le Gouvernement Bush a décidé de stimuler fortement l’activité économique, il a lancé des initiatives de reconquête par l’Etat régalien de domaines jusqu’alors abandonnés au marché autorégulateur, mis entre parenthèse les disciplines de marché pour les entreprises faillies (transport aérien), annulé les restrictions de rachat d’actions par les entreprises pour éviter un krach à Wall Street, lancé des initiatives coordonnées en matière de santé publique et demandé au Congres un nouveau « fast track » pour négocier à Doha. Ce n’est pas seulement l’Etat keynésien, l’Etat régulateur qui seraient de retour mais également l’Etat redistributeur et l’Etat maillon d’une gouvernance mondiale.
Une bonne manière de prendre la mesure des évolutions en cours est encore de revenir sur l’avant 11 Septembre pour y repérer les questions qui faisaient alors débat et voire en quoi les évènements dramatiques ont changé ou non la donne.
Trois questions occupaient essentiellement alors les esprits. La première tenait à la qualification de la croissance américaine au-delà des effets de cycle. Avec la nouvelle économie, était-on sur un sentier de croissance durablement plus élevé du fait des gains de productivité provoqués par l’usage massif des NTIC ? La deuxième tenait au « backlash » observé en matière de mondialisation. La montée des oppositions de toutes natures à la mondialisation, le réveil des antagonismes Nord/Sud, la tentation isolationniste-unilatéraliste américaine pouvaient légitimement inquiéter quant à l’avenir de la libéralisation des marchés et de la régulation mondiale . La troisième portait sur les effets de la déréglementation. L’effondrement du réseau électrique californien comme le e-krach ont conduit nombre d’observateurs à s’interroger sur les vertus de la déréglementation électrique et financière. Certes dans les deux cas, il s’agissait davantage de problèmes d’articulation public/privé que de réelle déréglementation mais le non respect des murailles de Chine dans les institutions financières et les erreurs de design institutionnel dans la régulation des « utilities » ont bien eu des effets préjudiciables.
Qu’ajoute ou que change à ces questions le 11 Septembre ?
S’agissant de la « Nouvelle Economie », il est raisonnable de penser que la direction actuelle ne sera que marginalement infléchie : destruction de surcapacités, investissements de productivité et non de croissance, réorientation vers la sécurité des systèmes, reprise des marchés de Défense. Le fait que les gains de productivité aient résisté à la brutale décélération de l’économie prouve au moins que l’investissement massif réalisé dans les années 90 va continuer à produire des effets. L’enjeu, on le sait, au delà des gains de productivité dus au surinvestissement notamment dans le secteur des NTIC est la diffusion des gains de productivité dans les secteurs utilisateurs.
C’est assurément la mondialisation et sa gouvernance qui méritent la réflexion la plus attentive. Au premier abord le mouvement anti-mondialisation a subi un revers décisif. Quand le terrorisme frappe, la taxe Tobin devient dérisoire.. Faut il craindre alors un effet restrictif sur les échanges, sur les flux directs d’investissement, bref sur l’ouverture des économies. Logiquement, passé le premier moment d’inquiétude les échanges devraient reprendre leur trajectoire antérieure. Les circonstances actuelles sont elles porteuses alors de plus de coordination, de multilatéralisme et de solidarité ou de moins. On peut soutenir que la grande alliance antri-terroriste aura pour contreparties des avancées en matière de développement, de préservation de l’environnement, bref de gouvernance mondiale. Mais on peut tout autant soutenir que l’unilatéralisme sort renforcé, les Etats Unis qui agissent seuls militairement et même contre le blanchiement de l’argent sale peuvent persister dans cette voie.
Le retour de l’Etat semble moins contestable. Non pas tant du fait de la relance keynésienne, ni même de la coordination entre autorités monétaires et budgétaires, ni encore du fait du relâchement de contraintes réglementaires, la novation est à la fois plus simple et plus durable : une nation confrontée à l’adversité a besoin d’un Etat régalien qui marche. Les menaces de terrorisme bactériologique, les questions de sécurité aérienne et aéroportuaires, la trop grande dépendance à l’égard du transport aérien rendent nécessairement un Etat qui fonctionne, arbitre et protège.